Comment résister à la pression familiale ?

L'enseignement de la maison familiale

La famille est un des principaux socles qui pourrait apporter à tout un chacun de solides bases pour avancer dans la vie. Comme une bibliothèque de connaissances, la famille est un vecteur de cristallisation de la construction individuelle. Mais comme stipule le diction, on ne choisit pas ses parents et on ne choisit pas sa famille. De la même manière, on ne choisit pas non plus la bibliothèque et les enseignements que votre famille aura décidé de vous inculquer et de vous transmettre. Les bibliothèques familiales comportent chacune des systèmes de pensées et de comportements bien distinctes et très variables. Pour certaines, elles comportent de formidables encyclopédies qui vous permettront de grandir dans le soutien et l'amour nécessaires à un épanouissement positif. Pour d'autres, le pari de l’épanouissement et de la quête de soi sera beaucoup plus compliqué à atteindre tant les éléments de langage et les dispositions mises en place au sein de la structure familiale vous enverront des messages significativement ambivalents.

S'oublier à petit feu

Dans le cas où la famille d'un individu affiche un véritable et sincère comportement d'accompagnement, de transmission et d'amour inconditionnel, les possibilités d'épanouissement seront au rendez-vous d'une vie que l'on a parfois du mal à décrypter. Dans le cas contraire, lorsque les messages familiaux assenés à votre égard auront une visée difficilement identifiable, vous subirez naturellement une certaine déstabilisation de votre axe développemental. Que ce soit à l'encontre du chemin de vie d'un enfant, d'un adolescent ou d'un adulte, les répercussions sur la construction de son individualité n'en seront que plus dommageables. En effet, les déstabilisations sociales tapissent d'ores et déjà largement le parcours d'un individu lambda. Aussi, c'est justement le travail collaboratif d'une famille aimante et accompagnante qui apportera sérénité et solidité face aux différentes injonctions quotidiennes. De la sphère amicale à la sphère professionnelle en passant par la sphère sentimentale, il est déjà complexe d'avoir à se construire en société. Que se passe-t-il alors lorsque ce ciment qui vous a vu grandir, vous contraint dans SES rudiments du bien-vivre ensemble, vous impose SES choix et vous enseigne SES contre-vérités, oubliant totalement la nature même de votre individualité ? C'est effectivement dans chaque période développemental que les répercutions identitaires et les effets de dissonance s'exprimeront malgré vous. Pauvre grenouille que vous êtes, baignant dans une piscine de pression familiale bouillonnante bien décidée à vous cuire à petit feu, il n'est en tout cas jamais trop tard pour sortir de la marmite.

Savoir reconnaître la pression familiale

Dans l'idée communément acceptée, on a du mal à imaginer que la famille projette sciemment de vous faire du mal et que ses intentions seraient conditionnées par autre chose que de l'amour et de la bienveillance. À titre de comparaison, la famille est un peu comme le gouvernement d'un état démocratique. On ne pense à priori pas du tout que celui-ci serait capable de nous faire du mal. Néanmoins, tout le monde est suffisamment lucide pour se rappeler les nombreux scandales pharmaceutiques ayant entraîné la mort de milliers de personnes grâce à la complicité avérée de hauts responsables politiques. Mais lorsque vous posez la question de savoir si un gouvernement démocratique serait capable de faire du mal à sa population, ces mêmes personnes vous répondront que c'est totalement impossible, jusqu'à vous faire taxer de complotiste.

Pour la pression familiale, le même rapport existe dans une étroite relation de confiance afférente à la fonction qu'elle exerce. Il est en effet difficile de pouvoir s'imaginer que les différentes pressions appliquées à votre encontre le seraient afin de vous faire du mal, d'oublier votre unicité ou de mettre de côté vos aspirations les plus profondes. C'est malheureusement ce qui se passe dans de nombreuses familles, mélangeant elles-mêmes aussi ce qu'elles croient bon de dire et de faire envers leurs enfants, au risque de les voir se perdre dans un fracas assourdissant.

Afin d'être en capacité de reconnaître le vrai du faux, le bon du mauvais et le bienveillant de l'injonction injustifiée, je prendrais ici un exemple simple qu'il sera facile d'imaginer. Lorsqu'un commercial essaie de vous vendre un produit, quel qu'il soit, à la seconde où il commencera à basculer dans une certaine agressivité et une tirade argumentaire à n'en plus finir, fuyez immédiatement. Si vous savez que le produit est bon et qu'il est bon pour vous, vous n'aurez à aucun moment besoin d'être convaincu(e) de son utilité. Pour les relations familiales et les nombreuses injonctions et enseignements inculqués, dès que ceux-ci s'engagent dans une voie où se mêlent agressivité et vérités implacables, c'est que l'unique dessein envisagé par vos parents n'est autre que celui d'être profitable à leur système de pensées. Inutile de développer ici qu'une certaine autorité familiale n'est pas nécessairement représentée par les parents biologiques. Elle peut bien entendu se matérialiser au travers de fortes personnalités très présentes au sein d'une famille, telle une fratrie, un oncle, une tante, un(e) cousin(e), des grands-parents, etc.

Sortir de la marmite

Vous êtes désormais capable d'identifier la différence fondamentale d'une autorité familiale qui aurait sur vous un regard profondément bienveillant et compatissant, face à une autorité ayant un regard dégradant votre unicité et votre épanouissement. Dégradant oui, car dans cette manière de fonctionner, il est nécessaire d'aborder le caractère infantilisant des différentes pressions exercées dans certains schémas familiaux. Dégrader, c'est baisser la note, abaisser, rabaisser et diminuer. Diminuer, c'est surtout restreindre l'autre de grandir et par la même occasion, de provoquer des situations d'humiliations. Dans ces schémas destructeurs plus que constructeurs, un adulte accompli et faisant pourtant montre d'une grande confiance en lui, sera constamment considéré comme un enfant aux yeux de sa figure d'autorité parentale. Peu importe les accomplissements, les réussites ou les défis relevés, celui-ci ne sera systématiquement vu que par le prisme du jugement et du verre à moitié vide.

La principale conséquence de ce fonctionnement particulier de la pression familiale sera de facto une auto-infantilisation permanente, dont il faudra réussir à s'extirper. Dans certaines familles, l'étendue de la pression familiale est tellement imposante et importante, que celle-ci ne s'arrête parfois pas uniquement à la simple figure d'autorité parentale. Certaines familles forment par exemple de véritables structures tentaculaires, souvent insidieusement propulsées par des grands-parents ou arrière-grands-parents ayant insufflé un véritable diktat, en tout point comparable à des modélisations sectaires. Sans obligatoirement se calquer sur ce dernier, on comprend néanmoins pourquoi la question de la pression familiale est à prendre très au sérieux. L'éclosion et la formation de sa structure identitaire propre dépendent en effet directement d'une véritable ouverture et d'un accompagnement mesuré de l'intégralité des figures d'autorité familiale présentes autour de chaque individu. Protéger cette formation identitaire est donc primordial pour obtenir une bonne représentation de l'image que l'on a de soi, de la confiance que l'on s'accorde et d'une certaine forme de pulsion de vie.

Inverser les rôles

Même si le portrait dressé ici paraît être la description d'un parcours montagneux fantastiquement escarpé et quasi infranchissable, il est bien entendu tout à fait possible de réussir à se détacher des répercutions de telles pressions. À l'exact opposé de la façon dont cette pression est exercée, une des clés qui permettra de se reconnecter à son épanouissement et à une image positive que l'on a de soi, sera de modifier la façon dont vous regardez ces figures d'autorité.

Bienveillance, compréhension et posture digne vous éviteront de prendre de plein fouet les différentes pressions familiales. Ces pressions vous empêchent de grandir et d'être qui vous êtes vraiment ? Contrôle, manipulation consciente ou inconsciente, là n'est pas vraiment la question et peu importe la réalité dans la finalité qu'est la résolution de cette problématique. Remettez les choses dans leur contexte. Qu'ont vécu vos parents ? Pourquoi agissent-ils comme ça ? Veulent-ils inconsciemment vous empêcher de vivre une certaine liberté qu'eux n'ont peut-être pas eu le privilège de connaître ? Les raisons peuvent être multiples et la pression familiale n'est généralement pas consciente. La très grande majorité des figures d'autorité familiale sont convaincues du bien fondé de cette constante remise en question des faits et gestes de leurs enfants et seront donc naturellement incapables de se rendre compte de leur manière de fonctionner.

Face à cette incompréhension et ce désir de changement, restez droit(e). Vous tenir droit(e) n'est d'ailleurs pas qu'une simple métaphore. Nombre d'adultes décrivant des structures familiales oppressantes auront tendance à ne pas se tenir droit, à avoir le dos légèrement courbé. Allez donc à la rencontre de vos parents, tenez-vous droit(e), parlez-leur avec votre cœur, tentez d'observer les zones de sensibilité de certaines thématiques et détachez-vous de cette sensation d'infantilisation. Observez-les avec des yeux d'adulte observant un enfant. Inversez les rôles. Avec le temps, vous verrez qu'en agissant de la sorte vous retrouverez progressivement la place pour laquelle vous étiez destiné(e). Vous n'arriverez peut-être pas à changer le regard et les pressions que vous subissez au sein de votre famille. Mais votre construction mentale elle, sera fondamentalement modifiée. Cette nouvelle place ne sera pas forcément celle que vous imaginiez, au sein de votre famille, celle que la majorité nous enseigne. Mais cette place, votre place, sera indubitablement la meilleure, car elle sera au milieu de celles et ceux qui vous aiment profondément, pour ce que vous êtes, sans aucune pression, et qui tiennent à vous de manière inconditionnelle.