L'épuisement, un défi quotidien pour le haut potentiel intellectuel

Une usine à alimenter

Le corps humain est une machine d'une complexité infinie. Encore aujourd'hui, même les principes de base de biologie / physiologie appris dans votre cursus scolaire sont totalement remis en question. La biologie quantique nous apprend en effet que des milliards de phénomènes que l'on croyait comprendre et maîtriser ne répondent finalement pas du tout aux principes fondamentaux de la physique classique. Néanmoins, s'il y a bien un point sur lequel tous les experts s'accordent c'est la place prépondérante qu'occupe nos deux cerveaux au sein de notre corps. Oui, car nous en avons bien deux. Notre premier cerveau n'est pas celui que la majorité des personnes pourraient identifier en un clin d’œil. Il ne se situe pas dans notre tête, mais beaucoup plus bas, dans notre ventre. Et plus précisément, dans nos intestins. C'est le plus ancestral, existant bien avant que le second ne se mette réellement à se développer. Fourmillant de milliards de cellules nerveuses, c'est notamment le principal lieu de production de la sérotonine, une des hormones du bien-être. Le second, lui, est bien celui auquel la plupart de la population pense immédiatement, celui de notre tête.

Ce dernier est celui sur lequel nous allons nous arrêter et comprendre pourquoi il est si important à prendre en compte dans la gestion des profils à haut potentiel intellectuel, zèbres ou surdoués. Il est en effet très important car c'est l'organe corporel qui consomme le plus d'énergie. Ce grand gourmand et haut lieu de la réflexion s'accapare pas moins de 20% de l'énergie dont votre corps a constamment besoin pour fonctionner.

Imaginez un petit train fonctionnant au charbon. Il roule tranquillement sur une voie ferrée et rencontre par moment de légères montées et des trajets sinueux. Ce petit train aura besoin d'une quantité de charbon suffisante pour alimenter la machinerie qui lui permettra d'avancer et de se confronter aux variations de son parcours. Imaginez maintenant ce même petit train pour le cerveau d'un haut potentiel intellectuel. Il va vite, beaucoup plus vite et devra se confronter à des trajets beaucoup plus escarpés et sinueux pour admirer la totalité des paysages qui l'accompagnent sur son chemin. Vous comprenez donc aisément la grande différence que devra gérer le responsable de cette machinerie en termes d'alimentation de la locomotive. Pour le premier, une alimentation simple et régulière sera suffisante. Pour le second, le charbon viendra à manquer de manière beaucoup plus régulière tellement les variations et les obstacles seront nombreux à appréhender. Plus qu'un four à charbon, c'est une véritable usine qu'il faut alimenter pour les cerveaux à haut potentiel intellectuel.

Obstacles et variations

Chaque jour, un profil à haut potentiel intellectuel se lance dans une véritable aventure. Son ouverture au monde et l'hyperactivité de son cerveau vont être constamment mis à contribution. Chaque détail de son environnement va être analysé, découpé, pour être compris et intégré dans son stockage de connaissances. Chaque interaction va être observée, dosée et va également générer toute une réaction en chaîne d'associations, compréhensions et interprétations diverses et variées. Mais tout ça a un prix et va coûter cher. Qui dit hyper-connecté dit forcément utilisation intensive du système nerveux.

Afin d'illustrer au mieux mon propos, je vais me permettre ici d'utiliser une métaphore très parlante de ce qui se produit dans le cerveau d'un haut potentiel intellectuel. Rendons à César ce qui appartient à César, cette métaphore a émergé de l'esprit de Christine Miserandino afin d'expliquer la gestion énergétique quotidienne des personnes handicapées ou malades chroniques. Cette métaphore appelée « Théorie des cuillères » peut également tout à fait s'appliquer aux profils à haut potentiel intellectuel. Cette théorie est d'ailleurs également reprise par Julie Dachez, Docteure en Psychologie Sociale et considérée comme l'une des plus grandes spécialistes françaises des TSA légers (Troubles du Spectre Autistique), anciennement connus sous le nom de syndrome d'Asperger. Sans être un handicap ou une maladie chronique, l'hyper-connectivité au monde va générer une sollicitation intense et constante du cerveau d'un haut potentiel, pouvant donc s'apparenter à la gestion d'obstacles à franchir.

Cette théorie part du principe qu'en début de journée, votre réservoir de cuillères s'élève par exemple à 12 cuillères. Nous allons donc égrainer cette journée en nous penchant sur la charge énergétique de ce qu'elle va coûter à un haut potentiel intellectuel, zèbre, hypersensible ou surdoué. L'idée n'est pas ici de rentrer dans une précision chirurgicale, mais bien de vous faire comprendre le concept général :

- Vous vous levez et commencez déjà à réfléchir à votre journée. Dès le lever : 1 cuillère.

- Vous prenez votre véhicule, votre vélo ou les transports en commun pour vous rendre à votre travail. Vous devez respecter un timing, il y a du monde, du bruit, des odeurs, des interactions inattendues, du mouvement et du stress qu'occasionnent ces moments d'immersion dans la foule : 2 cuillères.

- Vous arrivez à votre travail et il faut se plier au rituel quotidien de l'entreprise. Discuter avec vos collègues, tenter de vous intéresser et écouter quelques histoires tout en pensant à votre journée et aux tâches qui vous attendent : 1 cuillère.

- Vous commencez votre journée de travail avec vos tâches habituelles. Le cerveau se focalise. Néanmoins, vous avez l'habitude. Pour la matinée : 2 cuillères.

- Midi arrive et vous devez aller vous restaurer. L'option de rester déjeuner avec les collègues est souvent évitée par les profils à haut potentiel intellectuel. Entre les discussions standardisées, les opinions divergentes et faire semblant de s'intéresser, cela coûterait trop cher. Préférez vous isoler chez vous ou manger avec une connaissance : 1 cuillère.

> Point de mi-journée : il n'est que 14h et il ne vous reste déjà plus que 5 cuillères.

- Début d'après-midi, vous avez une réunion où vous devez rencontrer des personnes pour la première fois, très déstabilisant. La réunion dure 1h30. Vous devez apprendre à gérer ces personnalités et les différences de points de vue. Vous abordez également beaucoup de sujets : 2 cuillères.

- Vous reprenez vos tâches quotidiennes pour l'après-midi : 1 cuillère.

- Fin de journée, vous rentrez chez vous. Le trajet et la foule vous épuisent mais le retour est néanmoins plus agréable car vous savez que vous arriverez chez vous : 1 cuillère.

> Point de fin de journée : il est 18h30 et vous n'avez plus qu'1 cuillère.

Voilà ce qui se passe pour un haut potentiel intellectuel. Beaucoup d'interactions qu'il n'a pas choisi. Beaucoup de moments où il aurait préféré se terrer dans une boîte ou simplement observer. Mais dans ce monde qui va vite et qui nous oblige à jouer un rôle, c'est un véritable parcours du combattant pour un profil à haut potentiel. Il est donc 18h30 et vous êtes littéralement épuisé(e). Oui mais voilà, il n'est que 18h30. Pourtant : votre frigo est vide, il faudrait aller faire les courses, appeler une amie, faire une lessive, vous préparer à manger, vous occuper de quelques papiers que vous avez déjà repoussé à plusieurs reprises, repenser à toute votre journée pour savoir si vous avez fait les choses correctement, dit les bonnes phrases, agit en bon employé(e) modèle, répondu de la bonne manière, etc. La société moderne impose déjà une cadence infernale, mais pour un profil à haut potentiel intellectuel, c'est un véritable défi quotidien de devoir affronter la réalité. Et ce défi à un coût énergétique colossal. Pour beaucoup, au bout de seulement quelques années de vie étudiante ou professionnelle, c'est un épuisement très avancé qui caractérisera leur état général. Au bout du rouleau, n'étant plus capable d'envisager l'avenir, fatigué(e) avant l'heure et épuisé(e) d'avoir à se dire que chaque jour devra recommencer le même marathon, encore et encore.

Prévenir l'épuisement

Même si l'épuisement paraît être quelque chose de quasi insoluble pour les profils à haut potentiel intellectuel, il existe néanmoins quelques méthodes afin d'en prévenir au maximum les effets. Essentiels à appliquer au quotidien, ils permettront surtout d'éviter de tomber dans une escalade de problématiques d'énergie qui pourraient potentiellement aboutir à des états dépressifs :

- Hydratez-vous régulièrement : comme une machinerie, le cerveau chauffe lui aussi, et ce n'est pas qu'une métaphore. La quantité d'informations et la vitesse de traitement de celles-ci est tellement significative chez le haut potentiel intellectuel, que vous devez réellement penser à alimenter votre corps en eau. Comme un radiateur refroidit le moteur d'une voiture.

- Pensez aux fruits : en cas de journée intense au travail ou lors de vos études, pensez à amener un fruit avec vous, un pour le matin, un pour l'après-midi (quartiers de pommes, mandarines, raisin, fruits secs, etc.)

- Ralentissez la cadence : dès que vous sentez que votre réflexion s'accélère et que vous tournez en boucle sur une idée ou une situation complexe, prenez le temps de vous poser. Fermez vos yeux pendant 1 minute et entamez une respiration abdominale.

- Sachez dire non : si vous avez un rendez-vous de prévu ou une activité et vous sentez que vous êtes d'ores et déjà épuisé(e), n'y allez pas. Vous devez absolument vous rendre compte de la quantité d'énergie disponible pour ne pas tomber dans une comptabilité négative. Chaque cuillère dépensée et que vous n'avez pas, sera une cuillère en moins pour le jour suivant.

- Faites des siestes : méthode simple et efficace, faire une ou plusieurs petites siestes de 15 à 30mn dans la journée vous permettra de rebooster votre organisme.

- Écoutez-vous : enfin, même si cette méthode paraît simpliste et plutôt évidente, vous devez apprendre à vous écouter et à refuser toute injonction ou obligation de quoi que ce soit ou qui que ce soit si vous ne vous en sentez pas capable. Le monde moderne a instauré des rythmes intenables et encore plus intenables pour un haut potentiel intellectuel, zèbre, hypersensible ou surdoué. Le repos est crucial et l'épuisement votre pire ennemi. Prenez-soin de vous et ne pensez surtout pas que c'est un quelconque signe de faiblesse. C'est justement le contraire qui se joue. Préférez être en capacité d'être actif et réactif pour apporter votre regard humaniste et vos brillantes innovations au monde qui vous entoure.