Qu'est-ce que la loyauté familiale ?

Origines de la loyauté familiale

Lorsque l'on pense à la loyauté, cette notion nous guide naturellement vers des images chevaleresques. Grands principes et belles promesses sous fond d'abnégation et de bien commun, la loyauté renvoie également majoritairement à un versant positif, vertueux, profondément engageant et emprunt de valeurs fortes et humanistes. Sur le papier la loyauté nous pousse à davantage de cohésion et de droiture. Elle nous oblige, elle nous grandit et nous donne de la force, celle d'appartenir à quelque chose de plus grand, à quelque chose qui nous dépasserait presque. Dans certains cas mêmes, elle serait portée par des des principes théologiques, où le divin guiderait instinctivement notre destin à des principes énoncés il y a des milliers d'années. Provenant d'on ne sait pas vraiment où, comme d'une voix tonitruante fracassant les airs et dictant la sainte parole d'une loyauté universelle envers la vie ou plus exactement, envers une idée de la vie. C'est donc bien en ce sens que lorsque l'on évoque la loyauté, il est selon moi nécessaire d'y ajouter quelques interrogations et quelque retenue. Loin de moi l'idée de remettre systématiquement en question la moindre inclinaison ou parcelle de révérence envers toute loyauté quelle qu'elle soit. Mais il convient néanmoins de porter une attention toute particulière à la loyauté familiale, surtout lorsque celle-ci s'invite insidieusement dans votre quotidien, parfois même et plutôt souvent, sans même que vous vous en rendiez compte.

Une loyauté vertueuse

Avant de s'inquiéter des méfaits probables ou possibles que la loyauté familiale pourrait causer dans vos faits et gestes quotidiens, elle est avant tout un phénomène qui dans beaucoup de cas apporte une énergie considérable. Être loyal envers sa famille, puisque c'est de cela dont il s'agit, peut s'accompagner de répercussions très positives sur sa propre évolution et sa propre compréhension intrafamiliale, intrapersonnelle et interpersonnelle. L'autonomie est directement liée à cette faculté qu'à, ou non, la loyauté familiale d'apporter son lot de réassurances ou son lot d'errances cohésives. En effet, dans le cas ou un père explique à son enfant qu'aider son prochain est un acte de bonté fantastique mais que dans le même temps il lui inculque que donner sans réfléchir n'est pas non plus une bonne chose à faire, l'autonomie s'en vient à prendre une place toute légitime et à consolider une belle loyauté familiale. Si d'habitude et de manière générale il est à priori respectable et respecté de diffuser l'image d'aider son prochain, il serait également tout à fait discutable de venir en aide à tous les nécessiteux, amis, membres de la famille ou rencontres diverses qui viendraient nous solliciter. Dans certains cas, il peut jusqu'à se produire la mise en difficulté financière de sa propre personne pour ne pas déroger à la doxa familiale. Dans l'exemple que je viens de citer, si l'autonomie de réflexion est d'emblée autorisée par l'autorité parentale, il sera donc tout à fait ancré que les membres de cette famille ont pour habitude de venir en aide aux personnes dans le besoin et ce de manière tout à fait saine, réfléchie et proportionnée. Cette vision d'une loyauté familiale forte et malgré tout ouverte sur l'autonomie de son application, permettra de se rattacher naturellement à sa famille comme un appui solide et indéfectible, diffusé avec fierté sous l’étendard familial. Sa validation ancestrale et calibrée apportera aux différents membres de cette famille une base solide couronnée d'un sceau identitaire puissant.

Intrusive mais assumée

Il n'est pas toujours évident de se retrouver dans une famille où loyauté est synonyme d'autonomie et d'évaluation personnelle. Dans de nombreux cas la loyauté s'invite comme une intransigeante et implacable volonté, guidée par des préceptes excessivement flous dont le but recherché pose question. Relevant davantage d'actes manipulatoires que de bienveillance humaniste, il convient dans certaines familles de se méfier de discours trop appuyés, de féroces engagements imperméables et de vérités peu évidentes érigées en paroles auto-sacralisées. Si la force de l'engagement et la quête de vérité sont des directions de vie tout à fait honorables, il est un mal nécessaire que de s'inscrire en faux lorsqu'une loyauté familiale devait à devenir trop intrusive ou trop incohérente. Imaginez une grand-mère qui aurait inculqué à sa fille que la ponctualité serait chose impossible à ne pas considérer avec la plus grande importance, et ce sous peine d'être considérée comme quelqu'un d'irrespectueux. Dans la famille, on arrive à l'heure. On à peine à croire ici qu'arriver à l'heure serait une mauvaise chose. Mais qu'arrive-t-il quand par exemple cette ponctualité se traduise, par cette grand-mère à priori bienveillante, par une ponctualité qui selon elle serait effective lorsque l'on arrive une heure avant chaque rendez-vous afin de bien peser les éventualités du dit rendez-vous. Je vous laisse imaginer une mère très proche de sa mère, qui prise dans son escarcelle et par peur de créer un conflit cataclysmique, serait conditionnée à systématiquement arriver une heure avant chaque rendez-vous où elle nécessite d'être accompagnée. Pire, lorsque cette mère, elle, réellement bienveillante, considère que cette demande fait foi, l'a toujours été et l'a logiquement elle-même imposée à ses propres enfants et à son mari ? Cet exemple à priori anodin et qui peut même faire sourire, peut engendrer des répercussions absolument catastrophiques au sein d'une organisation familiale. Par cette totale perte d'autonomie qui aurait permis une variabilité, l'habitude ainsi dictée en loyauté familiale se transforme en réalité oppressive du quotidien pour tout un ensemble des membres de la famille. Par extension, il se peut également tout à fait envisageable que les enfants ainsi éduqués et conditionnés par cette loyauté familiale plus que discutable, transmettrons et enseignerons cette même vérité implacable et intouchable d'arriver systématiquement une heure avant chaque rendez-vous.

Manipulation et loyauté

Être sous le coup d'une loyauté familiale qui pèserait dans votre quotidien est une charge qui n'est pas facile à assumer. Tout à fait consciente et parfois douloureuse à appliquer, elle reste néanmoins active dans un cadre apportant une certaine forme de stabilité. Stabilité toute relative lorsque cette loyauté et certaines configurations ne viennent pas non plus détruire votre quotidien dans des accomplissements impossibles à atteindre. Aussi, dans certaines situations, la mise en place d'une loyauté familiale peut être également induite par un rejet, affiché ou non, de la part des membres de la famille. Se sentir rejeter par sa famille pourra déclencher de manière totalement assumée et indiciblement contrainte, toute une série d'injonctions auto-imposées. Même totalement déconnectées du réel en termes d'attentes sociétales ou de valorisations, il existe certaines loyautés qui permettront à l'individu de se raccrocher coûte que coûte à sa famille. Fruit de son imagination ou réelle loyauté instaurée par sa famille, le rejet ressenti, réel ou non, mettra en place une quête perverse dans le désir identitaire de faire comme sa famille fait. Si dans cette famille il est de bon ton de passer dix jours par an sur le Bassin d'Arcachon à la belle période pour venir y déguster des huîtres au Hangar 47, il en sera de même pour le fils pourtant cinquantenaire et isolé de sa famille dû à son homosexualité. Tout son entourage lui expliquera que perpétuer cette tradition n'aurait de sens que si elle était partagée et parfaitement effectuée en âme et conscience, en toute autonomie. Malgré cela, il continuera de répondre à cette injonction divine, lui permettant d'obtenir plus de consistance envers une famille qui l'a pourtant totalement rejeté et envers qui il ne représente qu'un profond dégoût. On peut également tout à fait supposer que celui-ci au détour d'une conversation familiale avec d'autres membres plus respectueux et compréhensifs, il se permettra de signaler ses voyages annuels sur le Bassin d'Arcachon, espérant que cette information arrive aux oreilles des (non) intéressés. La perversion est totale mais décrit parfaitement dans cet exemple la capacité de la loyauté familiale à créer des fondations fondamentales dans la construction de son appartenance filiale et de son identité propre.

Imperceptible et pourtant bien présente

Enfin, dans la longue liste des habitudes en lien avec la loyauté familiale, il y a celles dont on ne perçoit absolument pas les contraintes, les effets et le pouvoir insidieux dans nos vies quotidiennes : parcourir les mêmes rayons de supermarché, même si ce que vous y trouvez n'a jamais été ce que vous préférez, utiliser les mêmes outils alors qu'ils vous rappellent pourtant des humiliations en cascade lorsque votre père vous apprenait à bricoler, être foncièrement et inflexiblement sympathique même lorsque l'on vous manque de respect, etc. Les habitudes ont la vie dure paraît-il et encore davantage lorsqu'elles sont héritées de cette fameuse loyauté familiale. Les imperceptibles sont les plus complexes à identifier et à déterminer. Comment se rendre compte de ce qui dépend d'un héritage de loyauté familial ou d'un réel intérêt et d'une réelle autonomie dans une prise de position ? Faire de l'escrime parce que toute la famille a toujours fait de l'escrime n'est en soi pas une mauvaise chose et n'est pas très impactant sur votre vie. Mais si à chaque fois que vous vous déplacez à la salle de sport pour y faire cette activité et que monte en vous une désagréable sensation de peur, il est peut-être temps de se poser quelques questions. La réponse est ici assez évidente mais ne l'est pas forcément lorsque l'individu est irrémédiablement pris au piège dans ses réflexes et ses habitudes. Le secret, s'il en est un, est avant tout d'écouter son ventre, centre des émotions, et de ne plus écouter sa tête, centre des réflexions. Faites attention à la manière dont votre ventre réagit lorsque vous agissez de telle ou telle manière. Vous vous apercevrez rapidement que la réponse ne se situe pas tant dans la manière dont vous analyserez la situation mais davantage dans la manière dont votre centre des émotions vous répondra.