Qu'est-ce qu'un haut potentiel, un zèbre, un surdoué ?

L'avènement des cerveaux qui chauffent

De tout temps ont toujours existé ces personnages hauts en couleur qui ont laissé leurs empreintes dans l'histoire de l'humanité. Considérés comme de véritables génies par certains et totalement fous ou extravagants par d'autres, certaines figures de l'espèce humaine n'ont en tout cas jamais laissé leurs contemporains de glace lorsqu'ils ont croisé leur chemin. Haut-potentiel, surdoué et plus récemment animal de la savane au combien reconnaissable, le zèbre, ces dénominations ont toutes la même caractéristique : un cerveau qui chauffe. Au-delà de l'aspect de la significative différence intellectuelle que l'on peut nettement observer chez les personnes entrant dans ces catégories, il serait très réducteur de ne s'en tenir qu'à ce que l'on appelle l'intelligence et aux capacités supérieures qui collent à l'image des surdoués. N'allez d'ailleurs surtout pas dire à un surdoué qu'il est beaucoup plus intelligent que les autres, il vous sauterait à la gorge, dites-lui davantage qu'il possède un mode de fonctionnement différent. Vous êtes maintenant prévenus de la façon dont vous pourrez aborder sa surdouance avec un surdoué. Il est également très important de spécifier que ces terminologies ne décrivent pas seulement des capacités logiques et de réflexion significativement différentes de la majorité de la population. En effet, les surdoués ou hauts-potentiels possèdent bien d'autres caractéristiques qu'il est essentiel de mettre en exergue.

Ainsi, c'est après avoir reçu, échangé et analysé nombre d'enfants à haut potentiel intellectuel, que Jeanne Siaud-Facchin, psychologue avignonnaise, va petit à petit démocratiser le terme « zèbre » pour désigner ces cerveaux qui chauffent, mais pas que. Elle publie en 2008 le best seller « Trop intelligent pour être heureux, l'adulte surdoué » qui amplifiera la considération et la prise en charge de ces enfants, adolescents et adultes bien différents de la majorité de la population. Indéniablement différents sur les capacités intellectuels qui les caractérisent, les zèbres ne possèdent pourtant pas uniquement cette spécificité de leurs rayures, autrement dit de ce qui se voit. Le zèbre est bien plus que ça. C'est un être doté d'une extrême sensibilité, d'une finesse d'esprit et d'un regard sur la société et sur le monde qui l'entoure dans les moindres petits détails.

Zoom sur le cerveau

Mais alors que se passe-t-il donc dans ce cerveau qui fonctionne à la vitesse d'une voiture de course ? De nombreux tests neurologiques ont été effectués sur des profils de haut potentiel intellectuel ou de très haut potentiel intellectuel et ont permis de révéler des zones d'activations différentes de la grande majorité de la population. Sans rentrer dans des détails scientifiques précis, sachez tout de même que les cerveaux des zèbres ont une capacité de traitement de l'information beaucoup plus rapide et s'étendant sur davantage de parties du cerveau qu'habituellement observé. On parle de réflexion ou d'intelligence ou de raisonnement, en arborescence. Le cerveau gauche plus analytique et le cerveau droit plus artistique, coopèrent ainsi de manière plus efficace et plus équilibrée. Lorsqu'un cerveau haut-potentiel reçoit une information, impossible pour lui de simplement traiter l'information telle quelle. S'en suit un flot d'informations connexes à cette première information qu'il vient de recevoir.

Prenons ici un exemple très concret. J'avais échangé il y a quelques années avec un jeune homme d'une vingtaine d'années. Nous échangions sur la surdouance et je lui avais indiqué de regarder pendant quelques secondes un des carreaux de la cuisine dans laquelle nous nous trouvions. Je lui avais ensuite posé la question de savoir s'il avait pensé à la densité de ce carreau, si sa couleur était bien celle-ci compte tenu de l'éclairage, comment avait-il été fabriqué, dans quelle usine, par quel type de machine, si ce carreau avait été fait de manière artisanale ou non et s'il était légèrement fissuré à cause de sa fabrication ou à cause de quelque chose qui lui serait tombé dessus. Il me regarda sans dire un mot et ne pût s'empêcher de laisser couler une larme. Voilà exactement comment fonctionne un zèbre, avec un flot d'informations en arborescence et analysant toutes les possibilités qui lui passent par la tête. Une personne ne possédant pas cette spécificité aurait tout simplement regardé ce carreau et n'aurait pas réellement su quoi me dire, si ce n'est que ce carreau de cuisine était à son goût ou non. Il ne faut ici bien entendu pas imaginer que la majorité de la population est un peu bêta ou amorphe, elle est simplement différente.

Une connexion à l'univers

Si la vélocité neuronale des surdoués n'est plus à prouver, il existe un intérêt tout particulier que l'on retrouve très régulièrement chez eux et directement lié à cette réflexion en arborescence. Lorsque des dizaines de questions se présentent continuellement à vous au moindre mouvement et au moindre regard que vous portez sur le monde, il est naturel que les populations de hauts-potentiels s'intéressent particulièrement à l'univers. En effet, comment ne pas fatalement tomber dans une réflexion qui soit à la hauteur de l'appétit de fonctionnement d'un cerveau surdoué. Quoi de plus logique donc de s'intéresser à l'univers, avec toutes ses interrogations, ses questions existentielles, ses mystères et l'infinie quantité de problématiques non résolues qui composent ce passionnant et colossal champ d'étude. Par extension et corrélation, il arrive également très régulièrement que les enfants surdoués ait également cette caractéristique de s'intéresser de manière assez forte aux dinosaures. Si vous voulez faire plaisir à votre enfant surdoué, n'hésitez pas une seconde à lui acheter des cartes à jouer de dinosaures. Il y a de très fortes chances qu'il prenne un plaisir fou à enregistrer et à vous réciter toutes les caractéristiques de ces monstres préhistoriques.

L'hyperesthésie : une sensibilité hors du commun

Pour les zèbres, il n'est pas seulement notable d'observer des différences intellectuelles significatives. Le troupeau se distingue sur bien d'autres paramètres. Les grandes différences de fonctionnements et de connexions qui les caractérisent provoquent un ensemble de réactions exacerbées aux stimulations du monde qui les entoure. On nomme cet ensemble de réactions « l'hyperesthésie ». L'hyperesthésie regroupe tout un tas de réactions significatives qui en temps normal provoqueraient seulement des réactions modérées. C'est l'ensemble des capacités sensorielles qui sont constamment mises à contribution.

• le regard : un simple regard sur un paysage suffira pour être capable d'identifier et d'enregistrer très rapidement l'étendue des couleurs, le positionnement des bâtiments, s'il y avait du vent à ce moment là et la luminosité générale de l'instant.

• l'odorat : cette caractéristique est très souvent décrite par les surdoués qui sont capables de sentir la moindre petite odeur qui les entoure et aussi celles qui les incommodent.

• le goût : n'essayez pas de tromper un surdoué sur ce qu'il est en train de manger, il identifiera souvent très facilement les épices et ingrédients d'une recette.

• le toucher : les zèbres sont généralement très sensibles au toucher et possèdent de très bonnes capacités de connexion. Une texture, une accolade, une poignée de main, que ce soit une attirance ou un rejet, ils vous montreront rapidement si vous êtes le bienvenu ou non.

• L'ouïe : de la même manière, les zèbres ont cette faculté de très fortement ressentir le pouvoir de la musique et ne peuvent pas vivre sans elle. En opposition, si la musique est bénéfique pour eux, les perturbations liées par des bruits de travaux ou d'un bruit répétitif pourront devenir profondément insupportables.

Des professions adaptées

Comme nous venons de le voir, l'hypersensibilité sensorielle des zèbres va donc naturellement les orienter vers des professions qui leurs donneront la possibilité de s'exprimer de manière globale. Oubliez la vision des surdoués basiquement identifiés comme pouvant travailler avec les chiffres. Cette analogie est totalement erronée et beaucoup de surdoués ne sont pas du tout amis avec les chiffres. Préférez pour votre enfant ou votre adolescent, l'orienter vers des professions artistiques, créatives, sensorielles et psychologiques : musicien, géologue, artiste peintre, psychologue, kinésithérapeute, paysagiste, designer, etc. L'étendue des métiers plus adaptés aux surdoués est large alors n'hésitez surtout pas à faire tester de nombreuses activités à un surdoué afin de trouver celle qui lui permettra de s'épanouir au mieux dans sa profession.

Se fondre dans l'injustice

Si les caractéristiques sensorielles sont évidentes chez les hauts-potentiels, il sont aussi livrés avec une hypersensibilité qui leur fera ressentir la moindre variation émotionnelle. Que ce soit pour eux ou pour les autres, les hauts-potentiels sont capables de très rapidement déterminer l'état émotionnel d'une personne et de l'aiguiller dans la résolution de ses problèmes. Raison pour laquelle nombre d'entre-eux font le choix de devenir psychologue ou de se lancer dans l'exercice de médecines parallèles et médecines douces. On parle ici d'une autre caractéristique bien spécifique aux surdoués, l'hyperempathie. Être capable de très fortement ressentir ce que les autres ressentent, mais sans en subir les conséquences, à la différence de la sympathie. Cette hyperempathie s'exprimera donc également assez logiquement dans de nombreux domaines artistiques.

Mais cette hypersensibilité n'amène pas que du positif dans un monde où seulement 2% de la population résonne comme eux. Comme un caillou dans la chaussure, sans filtres, les zèbres disent aussi toujours ce qu'ils pensent et, on peut le comprendre, c'est une caractéristique qui ne plaît pas forcément toujours aux autres 98% de la population. Souvent taxés de personnes hautaines, sans aucune humilité et imbus d'eux-mêmes, c'est justement tout son contraire qui se passe dans la tête des surdoués. L'humilité d'être en possession de tonnes de savoirs leur impose de vouloir les partager à tout le monde. Aussi, si vous avez la sensation qu'ils manquent de diplomatie et de tact, c'est tout simplement qu'il est absolument impossible pour eux de mentir. Et pour ce qui pourrait passer pour un mauvais caractère, c'est en réalité très souvent le fait insupportable d'avoir à subir ou d'être témoin d'une injustice. Leur désir de faire le bien autour d'eux est tellement grand et évident, que jamais ils ne leurs viendraient à l'esprit de vouloir faire du mal à quelqu'un. Or le monde est dur, violent et il est parfois très compliqué pour un zèbre et ses rayures de se fondre dans la masse.

Des nuances à apporter

Enfin, il est pour moi important d'avoir à souligner quelques nuances quant à la caractérisation de ce qu'est un haut-potentiel intellectuel, un zèbre ou un surdoué. De mon point de vue, dire que les hauts-potentiels seraient une catégorie de personnes détachées du reste est selon moi inexact. D'autres typologies neurologiques et/ou comportementales connues relèvent davantage d'un continuum avec les hauts-potentiels. En effet, si l'on observe de plus près l'ensemble des caractéristiques des hauts-potentiels, nombreuses sont celles que l'on peut également retrouver chez des personnes au fonctionnement cérébral plus typique, mais aussi atypique comme les personnes Asperger et dans le TSA (Trouble du Spectre de l'Autisme). Les tests de QI pour adultes, WAIS (Wechsler Adult Intelligence Scale) et pour enfants, WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children) ne révèlent que la partie émergée de l'iceberg développemental d'un cerveau surdoué. Que penser des véritables génies, parfois totalement insensibles à la moindre considération empathique et se fondant parfaitement dans un groupe ? Que penser également des autistes et Asperger, faisant preuve de compétences cognitives hors du commun ? Classifier et toujours mieux identifier pour mieux traiter ?

Il est de mon point de vue nécessaire de toujours se poser la question de l'implication d'un normativisme systématique et d'une course à la classification médicale et psychologique. On parle désormais davantage de QE (Quotient Émotionnel) et il serait également intéressant de se pencher sur les réelles motivations et implications de l'industrie pharmaceutique et de la toute puissance de la bible des troubles mentaux, le DSM (The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders). Cet ouvrage, propulsé par l'association américaine de psychiatrie et largement poussée par les lobbies pharmaceutiques, nécessiterait donc de véritables questionnements sur son approche thérapeutique souvent déshumanisée et déconnectée face à l'empan des réalités cognitives des populations concernées.